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Construire un dispositif d'enseignement bilingue

24/08/2021

Construire un dispositif d’enseignement bilingue francophone, c’est élaborer un parcours éducatif au sein d’établissements d’enseignement primaire et/ou secondaire nationaux comportant un enseignement renforcé du français et de disciplines non linguistiques en français. Un dispositif bilingue se construit dans et pour la durée ; il repose sur des négociations attentives avec le partenaire et requiert un suivi minutieux. Voici quelques conseils méthodologiques pour la mise en œuvre d'un tel projet. 

1. Préalables 

Le contexte bilatéral et régional

Il s’agit d’explorer dans un premier temps le contexte historique et géopolitique. Quelle est la nature des liens qu’entretient le pays partenaire avec la France ? Ce pays est-il membre de l’Union européenne ? S’agit-il d’un pays en voie de développement, d’un pays francophone ?

Le contexte socio-économique est également à prendre en compte : entreprises locales en relation avec la France ou des pays francophones, entreprises françaises déjà implantées ou devant s’installer, bassins d’emploi, etc.

En matière de coopération éducative, il convient de s’intéresser aux questions suivantes : quel est le degré d’implantation du service de coopération et d’actions culturelles ? Y a-t-il une Alliance française ? Y trouve-t-on des établissements français d’enseignement (AEFE, MLF) et des associations de professeurs de français ? Quelles sont les autres représentations culturelles et éducatives dans ce pays ? Quel est leur poids du point de vue linguistique ?

Le contexte régional est également à analyser : existe-t-il d’autres sections bilingues francophones implantées dans les autres pays de la zone géographique ? Comment sont-elles organisées ?

La « topographie éducative »

Les points suivants sont à analyser : les programmes et les directives officielles et leur compatibilité avec le projet, les circuits de prise de décision, l’identification des « personnes ressource » et des décideurs, le contexte professionnel des enseignants de français et de DNL (pratiques professionnelles, méthodologie, supports…), les attentes, besoins, contraintes et motivations de chacun des acteurs (élèves, parents, enseignants, chefs d’établissements, inspecteurs, ministères, partenaires de la société civile). Il est également important de veiller à inscrire le dispositif bilingue dans un écosystème qui intègre la notion de continuum éducatif intégrant l’enseignement supérieur (filières universitaires francophones sur place, partenariats avec des universités et grandes écoles françaises et francophones).

Les paramètres spécifiques relatifs à un dispositif bilingue

Il s’agit tout d’abord de relever, dans le système éducatif du partenaire, la présence d’autres langues vivantes afin d’inscrire l’enseignement bilingue francophone dans la perspective de la diversité linguistique.
Il faut ensuite s’interroger sur le nombre de professeurs de DNL, formés sur place dans leur discipline, susceptibles d’enseigner en français. Le niveau minimum, pour le français de communication courante, étant le niveau B1 du Cadre européen commun de référence, le niveau B2 est recommandé.
Un dispositif bilingue est un dispositif dans lequel au moins une des disciplines non linguistiques est enseignée dans une autre langue. Il n’est pas nécessaire que l’ensemble des disciplines soit concerné ; en effet, il est difficile de suivre et de mettre en place un nombre important de DNL (problèmes de recrutement, de formation et de suivi notamment). Un dispositif proposant deux DNL en langue cible semble souvent le plus performant. Le choix des DNL concernées reflètera la confiance que le système place dans l’enseignement bilingue (discipline à fort enjeu scolaire ou non).

Les moyens

Il s’agit d’établir la liste des partenaires que l’on pourra mobiliser pour mettre en place des programmes de formation continue, trouver des ressources, des financements, etc. Il faut ensuite déterminer quels sont les moyens matériels disponibles : manuels scolaires, centres de ressources…

L’argumentaire

Il s’agit d’élaborer un inventaire des arguments à mettre en avant auprès des différents partenaires : évolution du système éducatif, inscription dans un projet européen ou dans certains contextes géopolitiques régionaux, accroissement de la mobilité, débouchés économiques, bénéfices cognitifs individuels, compétences distinctives… 

2. Mise en œuvre

Ces préalables effectués, la conception puis la mise en œuvre du dispositif bilingue peut être réalisée de commun accord entre les partenaires.

Impliquer les autorités du pays partenaire

Dans un premier temps, on pourra s’appuyer sur un nombre limité d’établissements qui se constitueront ensuite en réseau. On pourra désigner un coordonnateur local et un correspondant au niveau du service de coopération et d’action culturelle. Il est indispensable bien entendu d’obtenir l’approbation et l’engagement officiel du ministère de l’Éducation du pays concerné.

Concevoir en commun un projet

Il s’agit d’élaborer, dans un premier temps, dans le cadre des programmes nationaux, des contenus d’enseignement spécifiques dont la définition respecte le principe de « l’intégration », c’est-à-dire en tenant compte au plus près des caractéristiques du contexte éducatif du partenaire : « intégration » entre langue 2 et DNL, au niveau des contenus des programmes, au niveau des méthodologies, et en ce qui concerne l’insertion du dispositif éducatif du partenaire.

Il faut ensuite définir les modalités d’évaluation et de certification : se servir de la référence fournie par le Cadre européen commun de référence pour les langues ; utiliser les différents portfolios et, le cas échéant le DELF scolaire ; intervenir auprès des universités locales pour faire reconnaître les compétences particulières acquises par les élèves des sections bilingues. Il convient de tendre, dans les contextes où cela est possible, vers une certification de fin d’études co-définie.

Il faut également établir un référentiel de compétences et prévoir des formations pour les enseignants concernés en programmant la participation des instances spécialisées, aussi bien pour des stages locaux que pour des stages en France : formateurs du réseau SCAC, FEI, INSPE, etc. Ces formations pourront porter sur le recueil et/ou la production de ressources, la progression parallèle en français et en DNL, le rôle spécifique du professeur de français au sein de la section bilingue, l’amélioration des compétences de communication en L2 (DNL). (Ne pas oublier d’intégrer dans le référentiel de formation une section relative aux échanges à distance et aux jumelages entre établissements.)

Enfin, il s’agit de négocier les conditions de faisabilité (circuits de prise de décision et de transfert de l’information, création d’un comité de pilotage) et de faire acter les engagements réciproques.

3. Fonctionnement

Pour que le dispositif se mette en place dans de bonnes conditions, il est important tout d’abord de veiller au bon fonctionnement du comité de pilotage en lui donnant les moyens d’évaluer et de faire évoluer le projet (choix des personnes, réunions régulières, indicateurs). Il faut ensuite assurer un suivi constant avec les partenaires pour régler les problèmes immédiats, soutenir l’intérêt de tous. Il faut également encourager la mutualisation et inciter les enseignants à réaliser des projets pédagogiques autour d’équipes uni / bi / pluridisciplinaires (élaboration de documents et de glossaires pour la classe, adaptation de manuels scolaires français, modules pluridisciplinaires ou interdisciplinaires). On peut enfin soutenir le montage de projets d’établissements.

4.    Pilotage et évaluation

Le pilotage du fonctionnement du dispositif bilingue est indispensable et multiforme : active coopération avec les responsables bilingues locaux, rencontres avec les responsables du ministère local, synthèse annuelle, réunions, visites d’établissements, observations de classes, entretiens individuels, stages de formation cadrés, mise en route et aboutissement de travaux sur projets au niveau de la ville, de la région, du pays régional, etc.

L’évaluation du dispositif est primordiale. Tout d’abord, un an (ou deux) après la mise en œuvre du dispositif, aura lieu un bilan d’étape, selon des critères portant sur chacun de ses aspects, suivi d’un rapport comportant des recommandations et définissant de nouveaux objectifs : c’est sur ces derniers que s’appuieront le prochain bilan d’étape ou une évaluation approfondie destinée à améliorer, aménager ou, le cas échéant, supprimer le dispositif. 

Indicateurs d’une démarche qualité

Objectif 1 : Renforcer l’intégration des curricula, des programmes, des méthodologies

  • Existence de programmes intégrés et de référentiel dans chaque discipline
  • Application de méthodologies innovantes dans chaque discipline
  • Nombre de ressources produites en DNL
  • Utilisation des outils numériques
  • Création/utilisation d’outils de communication en réseau

Objectif 2 : Qualifier les procédures d’évaluation et de certification

  • Résultats des élèves dans toutes les disciplines
  • Nombre d’universités reconnaissant la certification délivrée
  • Parcours universitaires des élèves dans les parcours locaux d’excellence
  • Parcours universitaires des élèves dans les parcours français d’excellence
  • Nombre d’élèves s’engageant dans des parcours professionnels internationaux

Objectif 3 : Former et valoriser les enseignants

  • Nombre de séminaires de formation effectués localement
  • Nombre de séminaires de formation en France
  • Nombre de professeurs concernés par ces formations
  • Niveau de formation des enseignants et nombre de personnes formées

Objectif 4 : Assurer le bon fonctionnement du dispositif bilingue

  • Fonctionnement du comité de pilotage
  • Respect des calendriers notamment pour les bilans d’étape par un expert extérieur
  • Évolution du nombre d’élèves inscrits dans les sections bilingues
  • Nombre d’actions de promotion et qualité des personnes touchées