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Des situations sociolinguistiques complexes

08/06/2016

 

La situation sociolinguistique des pays d’Afrique subsaharienne est variée et complexe. Tous les pays sont des territoires multilingues, avec des langues aux statuts souvent très différenciés. L’école n’intègre en général qu’une toute petite minorité de ces langues, notamment les langues internationales héritées de la colonisation.

L’Afrique est un des continents les plus multilingues. Le concept de langue ne faisant pas l’objet d’une définition consensuelle, les estimations proposées varient beaucoup. Sans compter l’Afrique du Nord, on peut cependant estimer qu’il y a plus de 2 000 langues utilisées par une population d’environ un milliard de personnes. Ce chiffre cache des disparités importantes. Les statuts de ces langues sont en effet très variables. Un faible nombre d’entre elles sont langues officielles ou nationales d’un ou plusieurs pays mais la plupart n’ont pas de statut particulier, ne sont utilisées qu’à l’oral, voire sont en voie de disparition.

En outre, d’un pays à un autre, le nombre estimé de langues utilisées est très variable. Le Nigeria compte environ 500 langues pour une population de moins de 200 millions de personnes. Il n’y aurait en revanche "que" 38 langues en Angola et 25 millions d’habitants. Ces estimations ne tiennent compte cependant que des langues endogènes. Or, attribuer une langue à un territoire est un exercice difficile surtout sur un continent où les mouvements de populations sont importants. Nombreux sont par exemple les Congolais installés en Angola et venus avec une ou plusieurs langues. Le statut de l’anglais et du swahili au Burundi a été renforcé après la guerre par le retour des réfugiés burundais ayant vécu plusieurs années dans un pays utilisant ces deux langues.

De ce fait, les modalités de prise en charge de ces situations par les structures publiques de ces pays sont extrêmement variées. Elles le sont dans de telles proportions qu’elles résistent à toute tentative de description courte ou de typologie simple. Certains pays n’ont qu’une langue officielle (Angola, Côte d’Ivoire ou Gambie par exemple) mais elles ne sont pas toujours réellement pratiquées. En Gambie par exemple, l’arabe a été promulgué langue officielle mais l’anglais reste la langue utilisée par les instances de l’État. D’autres pays ont plusieurs langues officielles : souvent des langues internationales (Cameroun, Rwanda, Guinée équatoriale ou encore les Seychelles) et plus rarement des langues endogènes : le Lesotho a par exemple pour langues officielles l’anglais et le sotho. À Madagascar, c’est le français et le malagasy.

Dans la plupart des cas, si des langues sont reconnues officiellement, elles le sont en tant que langue nationale, statut qui fait d’elles l’objet d’une politique de promotion parfois active mais aussi bien souvent théorique. Au Niger, la loi désigne le français comme langue officielle et 10 autres langues comme nationales. Au Mozambique, ce sont 16 langues qui sont reconnues comme nationales au côté du portugais langue officielle.

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Dans certains pays, une langue s’impose plus particulièrement du fait de son poids. Au Botswana, le tswana est utilisé par 71 % de la population, tandis qu’au Burkina Faso, le mooré est la langue de 53 % des habitants. Mais dans bien des pays, aucune langue endogène n’est parlée par une proportion importante de la population (Namibie, Nigeria, Afrique du Sud, Angola, etc.). Certaines langues africaines se sont développées à la faveur des échanges commerciaux. Le swahili est par exemple langue première d’un faible nombre de personnes mais est utilisée dans de nombreux pays où elle est parlée comme langue seconde. Les langues internationales africaines sont nombreuses : le lingala (les deux Congo et la République centrafricaine), le dioula (Mali, Côte d’Ivoire, Burkina Faso), etc.

Tous les pays d’Afrique subsaharienne ont au moins une langue internationale héritée de la colonisation au statut fortement majoré par rapport aux autres langues utilisées sur le même territoire. Cette langue (ces langues) est (sont) reconnue(s) comme langue officielle de jure ou s’est (se sont) imposée(s) avec l’histoire. Ces langues sont : l’arabe (Gambie, Soudan, Tchad), l’anglais (Afrique du Sud, Botswana, Ghana, etc.), le portugais (Angola, Mozambique, Cap-Vert et Guinée-Bissau), le français (Bénin, Burkina Faso, Burundi, etc.) et l’espagnol (Guinée équatoriale). Dans beaucoup de cas, ces langues sont celles de l’État et des administrations mais ne sont que peu utilisées dans la vie quotidienne.

 

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Références

  • BONVINI Emilio, BUSUTTIL Joëlle et PEYRAUBE Alain, Dictionnaire des langues, PUF, Paris, 2011, 1 705 p.
  • BRETON Roland, Atlas des langues du monde, Éditions Autrement, Paris, 2003, 80 p.
  • DALBY David, The Linguasphere Register of the World's Languages and Speech Communities, Linguasphere press, 2000, 1 043 p.
  • Voir aussi : http://www.linguasphere.info/
  • Ethnologue, languages of the world
  • L’aménagement linguistique dans le monde
  • MAURER Bruno, Les langues de scolarisation en Afrique francophone. Rapport général, AUF / Éditions des archives contemporaines, Paris, 2010, 656 p.