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Entretien avec Sœur Wafaa Rashed

17/03/2015

soeur wafaaSœur Wafaa Rashed dirige l’établissement bilingue Sainte-Jeanne Antide à Alexandrie, en Égypte, depuis septembre 2014. Dans un entretien accordé au Fil du bilingue, elle évoque son parcours ainsi que l’évolution de son métier, et présente les projets de son établissement, engagé depuis 2013 dans une démarche qualité.

 

 

Pourriez-vous retracer votre parcours ?

J’ai été élève dans un établissement francophone "les sœurs de la charité de Sainte-Jeanne Antide" au Liban, à Beyrouth. Je suis titulaire d’une licence d’arabe et de civilisation musulmane. J’ai occupé différents postes au cours de ma carrière. J’ai été enseignante de langue arabe, de mathématiques et de français, coordinatrice, responsable de cycle et aujourd’hui chef d’établissement.

Comment en êtes-vous arrivée à enseigner ?

 

Pour moi, l’enseignement est une passion mais également une mission qui a donné une autre dimension à ma manière d’enseigner et m’a permis de voir ma carrière autrement. À mon arrivée en Égypte, j’ai découvert un système auquel je n’étais pas habituée. J’ai ainsi beaucoup appris sur l’ouverture à l’autre, les différentes façons de transmettre des messages et des valeurs. C'est un métier vraiment captivant et motivant car nous apportons directement un savoir aux enfants. Enseigner, c’est mettre l’autre au centre de l’éducation.

Quelles sont selon vous, les principales caractéristiques et qualités d’un chef d’établissement ?

 

Il faut bien évidemment des connaissances sur les méthodes d'enseignement et les valeurs éducatives. L’école fait travailler ensemble des personnes, en vue d’un but commun. Ainsi, une grande capacité à communiquer et à décider est indispensable pour mener à bien la mission qui nous est confiée.

Quelles évolutions, du point de vue des méthodes et des outils d’enseignement avez-vous pu constater depuis le début de votre carrière ?

 

Il y a encore quelques années, la méthode traditionnelle dominait dans les établissements. De nos jours, l’élève est au centre du dispositif pédagogique. Beaucoup de formations mettant en avant la méthode active et l’approche par compétences ont vu le jour. Je souhaite par exemple que l’on puisse introduire des pratiques relevant de la pédagogique de l’erreur.

En ce qui concerne l’école Sainte-Jeanne Antide, l’investissement réalisé ces dernières années dans les locaux, les outils informatiques et la formation du corps enseignant a porté ses fruits. Nous étions l’une des premières écoles à installer le e-learning. L’audiovisuel et les moyens technologiques comme les tableaux interactifs sont très appréciés par nos élèves : on constate qu’elles sont plus motivées et réactives.

Notre institution est également dotée d’un centre de ressources assez fourni en supports pédagogiques : cela a participé au renouvellement de la manière d’apprendre. L’acquisition de nouveaux manuels scolaires ainsi que la passation du DELF  a également permis d’adopter une méthodologie pour l’ensemble des matières dispensées au sein de l’établissement.

Qu’est-ce qui motive les parents à inscrire leurs enfants dans un établissement bilingue comme le vôtre ? Quelle est selon vous la plus-value de votre établissement pour les élèves ?

 

La langue française est une langue de culture, de civilisation et d’ouverture. Le français est aussi une langue de prestige, c’est la langue de l’élite. Nous essayons de garantir un niveau de français élevé. Nous accordons également une importance particulière aux activités extrascolaires tout en incluant la pratique du français. Les résultats de l’établissement et notamment le trilinguisme final (arabe, anglais, français) qui présente de grandes possibilités d’orientation et de nombreuses opportunités professionnelles aux élèves sont des éléments très prisés par les parents.

Au-delà de la réputation construite au fil des années grâce à une équipe pédagogique qualifiée et impliquée, l’institution Sainte-Jeanne Antide offre une discipline positive qui allie fermeté et bienveillance dans un cadre et une structure propices au travail. Dans une société conservatrice comme la nôtre, les parents cherchent un établissement où l'éducation continue à avoir une place primordiale. Une école tenue par des religieuses est le lieu par excellence qui répond à ce besoin. Par ailleurs, les parents aspirent à un enseignement de qualité qui, en même temps, n’exige pas des frais exagérés comme pour les écoles internationales.

Votre établissement s’est engagé dans la démarche qualité. Quels sont les grands axes qui ont nourri votre réflexion vers ce changement ?

 

Dans le cadre de la démarche qualité ISO initiée par le gouvernement égyptien, les établissements ont commencé à améliorer leur système. Sainte-Jeanne Antide a été la première école à Alexandrie à obtenir l’ISO pour les quatre cycles à la fois. Toutefois, l’ISO du gouvernement était plus centré sur le plan administratif et pas assez sur le contenu pédagogique. C’est ce qui nous a poussés à poursuivre notre processus d’amélioration.

Depuis 2013, nous sommes engagés dans le projet bilingue de l’ambassade de France. L’objectif est de placer l'innovation pédagogique au cœur des différentes actions envisagées, en invitant à penser une évaluation des pratiques d'enseignement- apprentissage en section bilingue autour de grandes thématiques telles que la place du numérique, du livre et de l’écrit, ou bien encore la pédagogie de projet et l'approche interdisciplinaire.

Enseignants et responsables ont élaboré des outils de travail et de pilotage : référentiel linguistique et référentiels de compétences professionnelles. Ces outils ont permis de faire un diagnostic de l’établissement et de proposer des solutions pour améliorer notre système d’enseignement. La nécessité d'une articulation entre l'enseignement de la langue française et l'enseignement des disciplines en français (mathématiques et sciences) a conduit à la notion d'interdisciplinarité.

Vous avez suivi en 2013 une formation au CIEP consacrée au pilotage d’établissements bilingues francophones. Comment le projet de votre établissement a-t-il évolué depuis cette formation ? Quel impact percevez-vous sur vos équipes et sur le travail depuis l’élaboration de ce projet ?

 

Suite à la formation du CIEP, notre regard sur le projet d’établissement a changé. Nous avons appris à mettre en place des objectifs, à réfléchir aux actions, à entreprendre ainsi qu’à créer des indicateurs vérifiables pour une évaluation optimale. Nous avons commencé à mettre par écrit les différentes étapes afin d’assurer la pérennité du projet mais également pour faciliter l’évaluation.

formation egypte
Soeur Wafaa Rashed, à l'occasion de la formation
"Piloter un établissement scolaire à section bilingue francophone en Égypte",
CIEP, novembre - décembre 2013

La formation fut bénéfique puisque nous avons pris conscience du besoin de mobiliser et d’impliquer tout l’établissement. Nous sommes tous coresponsables de ce projet : parents, élèves, enseignants et personnel administratif. Nous faisons tous partie du projet d’établissement. Dans un projet, des relations se nouent, la confiance et le respect sont nécessaires pour aboutir à des finalités positives. L’harmonisation relationnelle et communicationnelle est fondamentale afin que chaque membre se sente concerné et responsable.

Outre les acquis pratiques, cette formation a rendu service à l’équipe de direction. Aujourd’hui, nous avons la même vision de ce projet : nous parlons la même langue.

Votre établissement est engagé dans de nombreux projets et partenariats. Quels sont les projets qui se dessinent, qui vous tiennent particulièrement à cœur ?

 

Afin de prendre en compte l’hétérogénéité des élèves, on poursuit la mise en place de l’accompagnement personnalisé, ce qui me tient à cœur.

Dans un autre registre, le renouvellement des bibliothèques scolaires est également un axe que je considère comme prioritaire. Je souhaite que les élèves lisent pour le plaisir, qu’elles développent l’amour de la langue française. L’Institut français d’Égypte et la Bibliotheca Alexandrina sont nos principaux partenaires puisqu’ils proposent de nombreuses activités en français. Nous travaillons beaucoup avec eux mais également avec le gouvernement et le secrétariat des écoles catholiques.

L’Institut français d’Égypte reste toutefois la structure la plus utile à nos actions, je souhaite que l’on puisse poursuivre les formations autour de thématiques liées à la qualité.

Propos recueillis par Samira Riad,
Chargée de mission coopération universitaire et éducative,
Représentante Campus France Alexandrie, Institut français d'Égypte à Alexandrie