10 principes à questionner pour une réflexion sur l’amélioration des dispositifs d’enseignement bilingue.
Les 10 principes qui suivent doivent permettre à chaque dispositif de s’interroger sur la façon dont il a abordé et éventuellement résolu les questions sous-jacentes. Ils ne se veulent en rien prescriptifs, mais peuvent alimenter une réflexion dans la perspective de l’amélioration des dispositifs.
Par Pierre-Yves Roux*
1 - Définir un positionnement institutionnel clair
Le dispositif d’enseignement bilingue est un projet développé dans un contexte national, même s’il est soutenu par la coopération française. Il est donc souhaitable qu’il y ait un référent institutionnel au ministère de l’éducation dans le pays. Il peut aussi être intéressant qu’un Comité de pilotage se mette en place, avec une réunion annuelle a minima, réunissant des représentants du ministère, des établissements scolaires disposant de filières d’enseignement bilingue, de l’ambassade de France, et éventuellement d’autres acteurs en fonction du contexte.
2 - Trouver un consensus autour du terme « enseignement bilingue »
Un dispositif bilingue est un dispositif dans lequel au moins une des disciplines non linguistiques est enseignée dans une autre langue. Il n’est pas nécessaire que l’ensemble des disciplines soit concerné, en effet, il est difficile de suivre et de mettre en place un nombre important de DNL (problèmes de recrutement, de formation et de suivi notamment). Un dispositif proposant deux DNL en langue cible semble souvent le plus performant. Le choix des DNL concernées reflètera la confiance que le système place dans l’enseignement bilingue (discipline à fort enjeu scolaire ou non).
3 - Prendre en compte les spécificités de l'enseignement bilingue
Les objectifs disciplinaires sont identiques dans un cours de DNL en français à ceux du cours disciplinaire équivalent en langue locale. En revanche, l’enseignement du français doit être pensé différemment, en termes de nombre d’heures et de contenu du cours de français. Un cours de français n’est pas seulement un cours de FLE, c’est un cours de français dans un dispositif bilingue. Les contenus travaillés doivent tenir compte de cette spécificité, notamment en accordant une place aux termes linguistiques nécessaires pour aborder le cours de DNL.
4 - Se concerter au sein de l'établissement
Les objectifs premiers de l’enseignant de DNL ne sont pas langagiers, ils sont disciplinaires. Il existe en effet un programme défini à enseigner. Le professeur de DNL utilise et fait utiliser le français dans son cours, mais c’est le professeur de langue qui enseigne le français. Le professeur de FLE doit donc apporter des réponses aux besoins langagiers spécifiques des élèves pour que ceux-ci puissent travailler la discipline sans que la langue constitue un obstacle à la compréhension des notions et la participation pendant le cours. Ces besoins langagiers peuvent être différents des besoins identifiés dans le cours de FLE, il est donc recommandé de concevoir un programme de français adapté au dispositif d’enseignement bilingue de l’établissement.
Pour apporter des réponses adaptées il faut bien connaître les besoins langagiers de la discipline, ce qui passe par une concertation régulière et institutionnalisée entre les enseignants de FLE et de DNL.
5 - Concilier programmes disciplinaires et langue cible
Il n’existe pas de supports spécifiques pour enseigner en section bilingue, en effet, les programmes étant définis au niveau national, il ne peut y avoir de manuel ou livre proposé à une échelle internationale. Le manuel de FLE peut apporter des réponses à certains besoins langagiers, mais pas de façon exhaustive. Les enseignants de DNL et de français doivent donc chercher, identifier, adapter et/ou créer leurs propres supports de cours, en étroite concertation. On peut donc penser qu’ils ont besoin de temps de préparation supplémentaire.
6 - Dans quelle langue enseigner ?
Se pose ici la question du recours à la langue maternelle ou à une autre langue connue, durant le cours de DNL. L’alternance codique raisonnée est attractive bien que difficile à mettre en place. De manière générale, le recours à la langue maternelle n’est pas interdit mais il ne doit pas représenter une solution de facilité ou un moyen de gagner du temps. Il est important de se poser la question des modalités d’utilisation des langues dans la classe en amont. (cf fiche alternance codique).
7 - Communiquer autour du français et de l'éducation bilingue
La communication pour valoriser les dispositifs d’enseignement bilingue est nécessaire pour faciliter la compréhension d’un dispositif qui n’est pas forcément immédiat à appréhender, et d’autre part pour convaincre de la valeur ajoutée de l’enseignement bilingue dans le parcours scolaire. Les argumentaires doivent être construits à partir de deux questions : pourquoi l’enseignement bilingue ? pourquoi l’apprentissage du français ? Un plan de communication proposant des actions de communication cohérentes et mettant en valeur les arguments pour l’éducation en plusieurs langues et la maîtrise du français doit être élaboré et mis en œuvre.
8 - Valoriser les acteurs
Un dispositif bilingue est exigeant pour tous les acteurs qui le portent et le font vivre, que ce soit au niveau du ministère, dans les établissements (chefs d’établissement, coordinateurs, enseignants, etc.), ou au niveau des bénéficiaires (élèves, familles).
Pour valoriser les coordinateurs et les enseignants, des actions concrètes et à forte valeur ajoutée peuvent être proposées : formations, octroi de bourses, décharges horaires, avantages salariaux… Il est également important de valoriser les élèves, premiers « promoteurs » de l’enseignement bilingue, avec des projets valorisants (échanges, évènements, par exemple), des certifications internationales, une mention « enseignement bilingue » sur les diplômes, etc. Ces actions de valorisation doivent être intégrées dans le plan de communication.
9 - Développer un environnement francophone
Développer un environnement francophone fait partie des exigences pour l’obtention du LabelFrancEducation. Il est nécessaire de réfléchir aux différents moyens pour y parvenir, par exemple, privilégier des affichages en français ou une signalétique bilingue, développer des activités périscolaires en français, proposer des projets et des évènements autour de la Francophonie, développer des partenariats et des échanges avec les institutions françaises ou francophones locales ou internationales (IF, etc.), mettre en place des jumelages et des échanges avec d’autres établissements français ou francophones, ou disposant de filières bilingues en français, etc.
10 - Engager une démarche qualité
La démarche qualité est un processus d’amélioration de la qualité qui vise à améliorer les pratiques et la gouvernance dans les établissements bilingues. Le LabelFrancEducation, délivré par le ministère de l’Europe et des affaires étrangères en France, récompense les efforts entrepris dans les établissements bilingues afin d’améliorer la qualité. La démarche peut être proposée en 10 étapes :
- Elaboration d’un référentiel qualité comportant plusieurs indicateurs
- Volontariat des établissements
- Expertise interne (autoévaluation)
- Expertise externe
- Identification des priorités
- Formulation des effets attendus
- Élaboration du plan d’action
- Mise en œuvre du plan d’action
- Régulation / évaluation
- Nouveaux objectifs, etc.
Pierre-Yves Roux est responsable de l'unité expertise et qualité du département langue française, à France Education international